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La Machine à Vapeur Carels&Frères 

La machine Carels
 

Publication de Guido Vanderhulst

le texte ne peut être utilisé sans l'accord de son auteur

Le moteur Carels

Le moteur encore présent dans la salle des machines de la Brasserie, a été construit par la "Société anonyme Carels Frères" de Gand en 1905, sous le

n° 809.

La firme met au point en 1880 le premier compound du continent !

 

A l'origine deux moteurs à vapeur du même type Carels et un moteur Vanden Kherchove de réserve étaient installés. Ajoutons dans la salle

le compresseur DeLaVergne. Cela explique que les sous-sols soient encombrés de massifs et de carneaux pour porter ces machines.

Les Carels sont des modèles dit "compound" ou à double expansion, à savoir composé de deux cylindres (parfois davantage), ils peuvent être placés en parallèles ou en tandem, comme ici.

 

Le principe d'un compound est qu'un cylindre fonctionne à haute pression (souvent le plus petit) et le second (souvent le plus grand) à basse pression.

Le cylindre à haute pression est placé au bout afin pouvoir mieux se dilater.

La vapeur entre dans le cylindre à haute pression pour une première pression et, plus volumineuse, est récupérée par le second cylindre pour une seconde expansion (8). Cela économise de la vapeur, permet d'avoir un mouvement plus régulier parce que l'admission dans l'un des cylindres ne coïncide pas avec l'échappement de l'autre. La compound Carels de la Brasserie développe 750 CV.

 

Une entretoise, bien visible sur la coupe et sur les photos, relie les deux cylindres sur l'axe du piston, et permet de démonter plus facilement les têtes de cylindres. La pression est plus élevée que dans un vapeur monocylindre. Ces moteurs sont destinés à tourner plus rapidement. Le moteur doit ici entraîner un compresseur double Sulzer qui exige une vitesse et une puissance constantes.

 

Chaudières

Il faut 72 heures de chauffe pour produire suffisamment de vapeur utile. Il y a donc intérêt à travailler en continu, pour "garder la pression". Ce sont les "chauffeurs" qui chargent les chaudières De Nayer du type Galloway de la brasserie, avec un double foyer au cœur de chaque chaudière, de manière à disposer du maximum de surface de chauffe, le feu et la fumée étant aspirés à travers la chaudière. Il faut un chauffeur et un aide, et en hiver deux chauffeurs et un aide. Ils enfournent l'équivalent d'une tonne de charbon par heure et par machine. Dans ces années du début du 20e siècle cela devait faire de 8 à 10 tonnes à enfourner par jour à la pelle !

La responsabilité du "chauffeur" est importante, une diminution de pression entraîne des disfonctionnements des machines entraînées et donc des risques d'accidents graves. Ils doivent surtout veiller à ce qu'il y ait toujours suffisamment d'eau dans la chaudière pour éviter de dégrader la chaudière, de faire sauter les rivets…. Nous y reviendrons en expliquant la nécessité du régulateur, du volant massif, du variateur.

 

La machine à vapeur est ensuite chauffée, c'est-à-dire mise à température, pendant 3 heures, les soupapes sont ouvertes et la vapeur circule. Pendant

une demi-heure ou un peu moins, selon la saison (hiver ou été) la machine est mise en route à partir d'une seule soupape, celle en tête du cylindre haute pression, et de peu de vapeur. La machine aura préalablement été mise "au point mort", grâce au levier-béquillei, prenant dans les encoches du volant, pour amener les pistons à un point précis, quasiment en bout de course dans le cylindre, indiqué par un repère, situé au-dessus de la crosse ou sabotii. Ces précautions évitent les "coups d'eau" qui feraient exploser les cylindres parce qu'ils ne seraient pas assez chauds.

 

L'ouvrier en charge de la conduite de la machine est souvent appelé le huileur, parce qu'il passe d'essentiel de son temps, une fois que la machine tourne, à mettre de l'huile dans les récipients ou graisseurs. En effet "le graissage présente des difficultés assez sérieuses en raison de la température élevée de la vapeur…il faut que le graissage se fasse très régulièrement pour assurer une bonne conservation de la garniture du piston du cylindre, des organes de distribution"iii Différents systèmes existent.

 

Il semble que, sur cette machine de la brasserie, c'est déjà un système de graissage par pression et aspiration qui ait été utilisée car sur les photos d'époque aucun récipient en verre ou laiton n'est visible. C'est la pression dans le cylindre, ou son absence lors de l'échappement, qui aspire de l'huile pour la mélanger à la vapeur. Mais toutes les installations ne bénéficient pas de ce type de graissage à condensation de vapeur. Et encore, le récipient qui alimente le goutte à goutte doit être surveillé. Il faut en mettre partout où il y a un mouvement. Ce serait catastrophique si l'huile n'y parvient pas.

 

 

On aura compris, à la lecture de ce qui précède, et à la vue du relevé photos, que la Carels a été dépouillée de beaucoup de pièces

essentielles à son fonctionnement.

Ajoutons que nous n'avons trouvé, à ce stade, aucune publication qui en dise plus long sur la machine Carels. Des mentions dans quelques livres techniques comparent la Carels à d'autres machines. C'est ce qui nous permet d'avancer les précisions qui suivent.

 

 

Il y avait, en sous-sol, un condensateur où l'eau se forme par condensation de la vapeur d'échappement et la pompe à vide qui permet de récupérer par aspiration, la condensation de la vapeur au lieu d'envoyer celle-ci dans l'atmosphère. Cette eau est renvoyée aux chaudières, ou bien cette vapeur sert encore à chauffer des locaux ou à alimenter d'autres machines. Cette pompe est actionnée par la contre-bielle fixée au bouton de la manivelle, qui prolonge l'axe du volant et reçoit la bielle du piston pourvue d'une fourche garnie de coussinets en bronze doux. Cette contre-bielle passe par la "boutonnière" taillée dans le fond de protection du vilebrequin.

 

Une tôle de protection d'origine est placée pour protéger le personnel du mouvement rotatif du vilebrequin et des bielles en action.

 

On peut voir que la fondation de cette machine est très conséquente. C'est fonction du poids mais aussi des vibrations qui se produisent nécessairement. La construction par carneaux permet d'atteindre par-dessous, les boulons d'ancrage de la machine au sol. La charge est aussi remarquablement répartie par les voûtes. Les sous-sols sont riches d'informations sur ces dispositifs de "génie civil".

 

Le régulateur qui permet de contrôler l’admission de vapeur est bien visible. Le régulateur a été inventé par J.Watt, plusieurs variantes ont été mise au point. Au sol de la salle actuelle, les ancrages de la colonne du régulateur sont toujours présents.

 

Le régulateur est mû par l'arbre de distribution que l'on voit sur le plan. Cet arbre est entraîné par un engrenage conique sur l'axe du volant. Le régulateur est réglé de telle façon qu'avec la force centrifuge, les boules s'élèvent et soulèvent une fourche qui ralentit l'arrivée de la vapeur. Ce régulateur constitue, avec le volant, les deux éléments qui tendent à stabiliser la vitesse du moteur et donc la qualité du travail qu'elle entraîne. Cet arbre comme l'entretoise entre les deux cylindres, passait dans des bagues avec coussinets de métal blanc (bronze au phosphore), fabriqués en quatre coquilles à ressorts,. Des coussinets appelés "bourrages flottants" pour pouvoir être remplacé sans démonter tout l'axe était utilisés pour l'axe des pistons.

 

Des consoles, dont l'exemplaire resté en place est la coquille de protection de l'engrenage conique, portaient cet arbre de distributions qui actionnait les culbuteurs des soupapes, au-dessus et en dessous. Un modérateur permet de proposer une vitesse voulue. Une vanne d'admission figure sur une carte postale d'archive des années 1910.

Le conduit d'échappement a été démonté de même que le condenseur et la pompe à vide. On observe, sous les cylindres, les soupapes d'échappement et les bouches d'où partaient les gros conduits d'échappement.

Les cylindres disposent d'une enveloppe enrobante que nous avons retrouvée en démontant. Les pistons sont pourvus de segments assurant une meilleure étanchéité dans les cylindres. Ils peuvent être grippés et bloquer l'extraction du double piston. C’était le cas, à force de démontage, frappes et pressions, nos hommes sont parvenus à débloquer.

Le volant offre une masse qui, une fois lancée, absorbe aussi les variations éventuelles dues à une augmentation ou une réduction de la demande de travail (débranchement d'une machine, d'une courroie…). La régularité est fonction du poids du volant, ici de l'ordre de 10 tonnes, de son rayon et de sa vitesse. Les grands volants sont toujours en deux parties, réunies par des boulons et frettes placés à chaud. Ce volant, dans la plupart des cas, reçoit la courroie de transmission aux poulies sur axes plafonniers. Cette possibilité d'utilisation a été mise à profit à la brasserie Wielemans, après le débranchement de la bielle et donc de l'énergie vapeur, pour passer au mode d'entraînement par un moteur électrique (vers les années 1955 !).

Dans la brasserie Wielemans la "fosse du volant" a été en partie murée en sous-sol.

Le volant est protégé par une structure plus récente, en tubes peints de rouge, qui s'ajoute à un garde-corps d'origine avec noyaux en cuivre, dont une partie a été démontée à l'exception d'un montant (29). D'après les cartes postales d'époque et la photo de 1988, un garde-corps existait devant la partie dangereuse du vilebrequin qui continuait à tourner malgré l'enlèvement des bielles, pour entraîner le compresseur Sulzer. Nous en avons remis un semblable puisque l’originel a disparu.

 

La courroie était entraînée par une poulie mue par un moteur électrique asynchrone dont il a été impossible de déchiffrer la puissance sur la plaque d'identification. En tout cas c'est un moteur SEM, du nom de l'entreprise de Charleroi qui a repris Carels et Vanden Kherchove. Certains cuivres intérieurs ont été volés et les dégâts causés par les eaux sont importants. Ce moteur est devenu inutilisable. Une poulie est placée en retour, près du volant pour garder l'alignement et la tension.

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