Pourquoi la brasserie Wielemans-Ceuppens a-t-elle choisi de déménager à Forest?
La Belgique fut le deuxième pays le plus industrialisé lors de la Révolution industrielle. Certes, au début de cette nouvelle ère industrielle, la Wallonie était centrale, grâce à ses bassins de Charleroi et Liège.
Mais, dans les années 1920, la région bruxelloise devint la principale ville industrielle de Belgique en nombre de travailleurs. Bruxelles fut seulement supplantée par Anvers dans les années 1970.
Les activités industrielles à Bruxelles étaient concentrées dans les municipalités entourant le canal Bruxelles-Willebroek et le canal Bruxelles-Charleroi - habituellement appelés "le canal" – de Neder-over-Heembeek et Haren (aujourd'hui englobé dans la Ville de Bruxelles) au nord par le biais du centre de Bruxelles et Molenbeek-Saint-Jean, puis continuant sur Anderlecht, Forest et Uccle dans le sud de la région.
En effet, le fait que l’industrialisation de Bruxelles ait suivi le canal n'était pas une coïncidence. Le canal Bruxelles-Willebroek suit le cours naturel de la rivière Senne jusqu'à la rivière Rupel au nord afin de parvenir au port d'Anvers. La Senne fut utilisée pour transporter des personnes et des marchandises depuis des temps reculés, ce qui confirme la vocation industrielle et commerciale de son bassin.
Comme les flux commerciaux augmentaient sans cesse et la ville de Bruxelles elle-même s'étendait, la rivière devint trop petite et la construction d'un canal devint indispensable! L'autorisation pour le démarrage des travaux fut octroyée par Philippe le Bon, Duc de Bourgogne, en 1436. Cependant, le projet resta longtemps en latence et il fallut attendre plus d'un siècle avant qu'il ne soit effectivement réalisé. Depuis la création du canal original en 1561, il a fait l'objet de nombreuses expansions et élargissements afin de répondre aux intérêts commerciaux et industriels.
Bruxella - Plan de Bruxelles par Georg Braun et Frans Hogenberg, 1571. La Senne et le canal Bruxelles-Willebroek peuvent être vus dans le coin gauche de l'image. (c) Bibliothèque Royale de Belgique. Source: www.cartesius.be
Avec le déclenchement de la Révolution industrielle, l'approvisionnement en charbon devint un enjeu considérable. Il était essentiel à la ville tant pour le chauffage que pour l'industrie. En effet, la vapeur étant devenu le processus énergétique prépondérant, la ville consommait plusieurs tonnes de charbon par jour pour alimenter les chaudières des machines à vapeur et des trains de Bruxelles, qui devenait le centre du réseau ferroviaire belge.
L'idée de créer un canal entre Bruxelles et le bassin charbonnier de Charleroi, en réflexion depuis plus d'un siècle, se réalisa finalement sous la pression des industriels du charbon, soutenus par les commerçants et artisans. Le creusement du canal débuta en 1827 sous le régime néerlandais et fut conclu en 1832 par la Belgique, devenue indépendante. Ce canal fut ensuite élargi à plusieurs occasions.
Si le canal en lui-même était déjà un excellent argument pour attirer les activités industrielles durant les dernières décennies du XIXe siècle, les industriels avait aussi d'autres excellentes raisons pour s'établir dans ses environs. A une époque de fréquentes périodes de croissance et d'expansion industrielle, le centre de Bruxelles devenait trop petit pour de nombreuses entreprises. L'expansion de leurs activités ainsi que la réception de matières premières et la livraison des produits finis devenaient de plus en plus difficiles. L'espace et la fluidité étaient essentiels !
Le Canal Bruxelles-Charleroi et le Boulevard de l’Entrepôt. Fonds Guido Vanderhulst.
Le choix de créer de nouvelles entreprises ou de déménager des entreprises existantes dans des communes comme Forest devenait donc évident. Cela impliquait de pouvoir acheter des larges parcelles de terrain à bas prix, de pouvoir construire et rénover à la demande, et la possibilité de procéder à des raccordements directs au réseau de chemin de fer. Ceci est tout à fait saillant dans le cas de la brasserie Wielemans-Ceuppens. Comme de nombreuses entreprises, la brasserie a investi dans des parcelles proches du chemin de fer et de la zone du canal. Cela facilitait l'approvisionnement en charbon et en céréales, et plus tard, la distribution de ses bières tant en Belgique qu'à l'étranger.
Raccordement direct de la Brasserie Wielemans-Ceuppens au chemin de fer. Photo extraite du magazine “La Belgique Industrielle”, probablement publié au début du XXe siècle. Fonds Guy Moerenhout.
Le fait que l'industrialisation de Bruxelles ait suivi le canal et le chemin de fer, que des entreprises aient migré vers des quartiers périphériques (ces quartiers semblaient lointains à l'époque) sur l'axe nord-sud de la région bruxelloise n'était donc pas une coïncidence.
Déambuler au travers de ces quartiers revient donc à marcher à travers l'histoire industrielle de Bruxelles. Bien que la plupart des industries soient fermées depuis des années ou aient déménagé (en périphérie par exemple, le cycle se répète!), certains de leurs bâtiments existent toujours comme autant de témoins du passé industriel glorieux de Bruxelles.
Pour en savoir plus :
Vous pouvez en apprendre davantage sur les paysages industriels de Bruxelles avec le guide "Hommes et Paysages n°9, Itinéraire du paysage industriel bruxellois - 30 km de Forest à Evere » coréalisé par la Société Royale Belge de Géographie, La Fonderie et la Commission Française de la Culture.
Couverture de la brochure "Hommes et Paysages n°9, Itinéraire du paysage industriel bruxellois - 30 km de Forest à Evere”. SRBG, La Fonderie, Commission Française de la Culture.
Pour tout savoir sur l'industrialisation de Bruxelles, vous pouvez visiter La Fonderie – Musée bruxellois des industries et du travail.
C'est tout pour aujourd'hui, les amis ! Nous serons bientôt de retour avec d'autres nouvelles excitantes et des histoires intéressantes à raconter. Continuez à nous suivre assidûment !